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guepard

 

Une nouvelle traduction du chef d’oeuvre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa vient de paraître aux éditions du Seuil. On la doit à Jean-Paul Manganaro. La version originale de cet ouvrage avait été publiée en 1958 à Milan puis dès l’année suivante, traduite en français par Fanette Pézard.

 

C’est l’occasion de lire – ou de relire – ce court roman (350 pages). Le contexte en est connu : en 1860, en Sicile, après le débarquement de Garibaldi, le pouvoir bascule de l’aristocratie vers la bourgeoisie. L’auteur nous conte la vie à cette période de la famille du Prince Fabrice Salina, aristocrate sicilien. Fasciné par l’attitude de son neveu Tancrède Falconeri qui quoique noble a pris le parti du mouvement garibaldien, le Prince assiste, pessimiste mais vaguement conquis, à l’ascension d’une nouvelle classe sociale qui menace pourtant ses intérêts séculaires.


« Le guépard », c’est le blason de Fabrice Salina (en fait, en héraldique, un léopard rampant lioné) : ce fauve reste, devant l’effondrement de son monde, résolu, dédaigneux et contemplatif. Il n’oppose aucune résistance, convaincu que sa terre écrasée de soleil est le lieu de l’immobilité : « plus ça changera, plus ça sera la même chose ». Son rapport au temps n’est pas celui de l’évènement ; peut-être celui de l’Histoire parfois celui de l’Éternité. Giuseppe Tomasi, duc de Palma et prince de Lampedusa, va incarner à travers son personnage, jusqu’à l’incandescence, le dernier luxe aristocratique : le renoncement.


Il court dans ces pages poétiques une puissante, fascinante et ambiguë sensation de fatalité acceptée voire souhaitée. Salina assume le « suerte » : il n’adhère jamais à ce qui advient mais il y consent. Et il rejoint ainsi les grandes figures du stoïcisme mondial, le Qohelet de l’Ecclésiaste, le Sénèque des lettres à Lucilius, le Marc Aurèle des Pensées, ou le Khayyâm des Quatrains.Pour la finesse de l’étude psychologique du Prince Salina, pour la subtilité dans l’analyse de la confusion entre apparences et réalité, il faut lire ce livre. On peut ensuite visionner le film baroque et flamboyant que Luchino Visconti en a tiré en 1962 : Burt Lancaster y tient son plus grand rôle.

   

Denis LLAVORI

 

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