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promesse de laube pour portail illustrationRomain Gary

« La promesse de l’aube » (illustrée par Joann Sfar)

Futuropolis/Gallimard, 2014.

 

« Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances ». Allongé sur un rocher d’une plage de Big Sur, entre Carmel et San Simeon en Californie, face à l’océan Pacifique, Romain Gary se remémore l’amour jaloux et exalté que lui portait sa mère, décédée il y a plus de 15 ans. La littérature offre de nombreux ouvrages traitant de l’amour (ou l’absence d’amour : Folcoche chez Bazin ou Mme Lepic chez Renard !) maternel. Que l’on songe au « livre de ma mère » d’Albert Cohen, ou au « Sido » de Colette. « La promesse de l’aube » de Romain Gary est l’un des plus beaux, et sans doute le livre le plus abouti de son auteur.

 

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Dessins de Joann Sfar, Futuropolis 2014

 

 

Les éditions Gallimard/Futuropolis ont eu l’excellente idée de demander à Joann Sfar d’illustrer ce texte. Paru en avril dernier, ce gros volume (530 pages environ) est une réussite éditoriale. J’assume un goût prononcé pour les textes illustrés, et m’en suis ouvert dans cette même rubrique, à propos des « Métamorphoses » d’Ovide illustrées par Sara (http://goo.gl/K4wXZM). Eh bien ici aussi, la confrontation est exemplaire : les dessins de Sfar accompagnent parfaitement les mots de Gary. Et au-delà de la simple illustration, les deux artistes expriment (chacun avec leurs moyens) les mêmes sentiments. Leur humour en délicatesse, en autodérision nimbée d’une pointe de désespoir témoigne d’une présence au monde terriblement décalée mais en totale empathie. Leur vision de l’existence, adossée à un idéalisme intransigeant, coexiste étrangement avec un regard désenchanté. Ces deux-là sont des esthètes de la limite : altiers mais jamais arrogants, complices mais jamais familiers, foisonnants mais jamais excessifs, débordants mais jamais envahissants. Ils en font parfois un peu trop (trop de sentiments chez l’un, trop de dessins chez l’autre). Mais ils le font avec grâce et sincérité. Dans cette époque gavée de matériel où les sentiments vrais sont chichement comptés et souvent ridiculisés, où l’égoïsme est valorisé et assumé, leur générosité est réjouissante et salvatrice. Ils ne craignent pas d’aimer sans limite et assument leur sensibilité et leur détresse. Ils persistent à croire – contre toute évidence - en « l’honorabilité du monde » ; ce faisant, dans notre monde de fausses valeurs, ils dérangent la médiocrité dans son confort douillet. Ils pourraient affirmer avec Jacques Maritain : « Il faut avoir l'esprit dur et le cœur doux […] mais le monde n'est presque fait que d'esprits durs au cœur sec et de cœurs doux à l'esprit mou ».

   

  • La promesse de l’aube a été adaptée au cinéma par Jules Dassin en 1970, avec Mélina Mercouri (la mère) et François Raffoul, Didier Haudepin et Assi Dayan, qui incarnent le personnage de Romain aux différents âges de sa vie:

     

     

    Denis LLAVORI

     

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