Libre propos : La théorie augustinienne de la grâce à l’épreuve de la concurrence
Notre conception de la lecture publique est mystique. Et assise sur un présupposé : il suffit de mettre l’usager en présence d’un livre pour que naisse sa passion, et qu’il se mue, comme par transcendance, en lecteur. C’est la théorie augustinienne de la grâce appliquée à la culture : l’adhésion n’est qu’une conséquence logique de la révélation. L’amour du livre est d’abord une foi, et incarne une rencontre particulière, intime, entre un objet (sacré ?) et un innocent inspiré (guidé ?). Dans ce contexte, le bibliothécaire doit permettre cette rencontre, la favoriser, la multiplier, la simplifier, voire la vulgariser. Ne nous qualifie-t-on pas souvent de « passeur », d’intermédiaire, de médiateur ? Nous sommes les vitraux à travers lesquels la lumière divine vient toucher, bien caché derrière son pilier, le Claudel lecteur. Mais nous ne sommes que cela.